Fabienm a écrit :
Je suis désolé de me rapporter (encore) aux travaux de PEB :
"Dans le cas des Évangiles, le problème de datation ressort de l'absence des originaux des documents. Les plus anciennes copies complètes, le codex Vaticanus et le codex Sinaïticus, ne remontent qu'au IVe siècle, rendant vaines analyses d'encre et études paléographiques. Les exégètes se sont donc lancés dans une étude interne, afin d'observer si le contenu des textes nous informait sur l'époque de leur rédaction. Beaucoup s'y sont cassé les dents. La question suscite de vives querelles car de la réponse qu'on y apporte dépend la valeur testimoniale des Évangiles. Les conséquences doctrinales ne sont pas minces.
Le texte des Évangiles que nous lisons aujourd'hui n'est pas une " première main " qui nous serait parvenue ne varietur. Ce texte est l'aboutissement d'un effort rédactionnel de longue haleine, le résultat de couches successives.
Les exégètes ont remarqué que les trois premiers Évangiles, ceux attribués à Matthieu, Marc et Luc, se ressemblaient suffisamment pour qu'on puisse établir entre eux des correspondances lorsqu'on les répartissait sur des colonnes parallèles - d'où leur nom d' Évangiles synoptiques. Des études ont montré qu'ils n'avaient pas été copiés l'un sur l'autre, compte tenu des contradictions qui s'y dévoilent.
On est un temps parvenu à la conclusion que Marc était le plus ancien de tous parce qu'il se retrouvait en entier dans les deux autres. Le " plus " que Matthieu et Luc ont en commun porte essentiellement sur des questions d'enseignement : il leur serait venu d'une seconde source, appelée Q (de l'allemand Quelle, " source "), qui aurait été constituée des Logia de Jésus, c'est-à-dire des paroles que celui-ci aurait prononcées durant sa prédication, sans la narration qui les accompagne d'habitude (cette source restant hypothétique dans la mesure où personne ne l'a retrouvée.) Le " plus " qu'ils auraient chacun pris isolément résulterait de traditions parallèles.
Mais les exégètes ont découvert, en scrutant les répétitions injustifiées de l'Évangile dit " de Marc ", qu'on croyait jusqu' alors tiré des souvenirs de l'apôtre Pierre, qu'il était lui aussi un document composite, compilation d'au moins deux traditions antérieures.
Les choses se sont encore compliquées dès qu'il est apparu qu'en certains endroits Matthieu et Luc étaient plus anciens que Marc! Il y aurait donc eu une rédaction de Marc avant Matthieu et Luc - et une autre après. A moins que Matthieu et Luc n'aient préféré se plonger directement dans les sources de Marc? A partir de là, les hypothèses sont allées bon train.
De plus en plus d'exégètes avancent que les Évangiles se sont constitués à partir " de sources lointaines, au moyen de petites unités rassemblées peu à peu, parfois sans lien (...) ". Des clercs auraient " rassemblés les prétendus "mémoires" glanés dans les églises, puis les collections ainsi faites se sont retrouvées dans les Évangiles sans qu'il y ait eu reproduction servile d'un recueil constitué ", comme l'écrit J.K Watson en reprenant l'idée du jésuite X.L.Dufour.
De quand datent les plus anciennes unités, les couches les plus proches des événements qu'elles sont censées relater?
Certains ont cru à une rédaction antérieure à l'année 70 puisque Marc prophétise la ruine de Jérusalem qui eut lieu précisément cette année-là. L'argument n'est valable qu'à condition que l'on dispose aujourd'hui du texte original, ce qu'il importe justement de prouver - et il se retourne vite contre lui-même puisqu'il suppose que le don prophétique de Marc est authentique et non construit après coup pour les besoins de la démonstration. Repousser au IIe siècle la totalité de la rédaction initiale n'est guère plus probant, sinon comment expliquer les passages manifestement anciens où le retour glorieux du Fils de l'Homme est annoncé avant que ne prenne fin la " génération des disciples "?
Il apparaît néanmoins qu'entre la rédaction initiale des plus vieilles unités, leur rassemblement et leur composition définitive, les étapes se multiplient - et le temps s'allonge. De nombreux passages ont un caractère trop théologique pour être d'origine : la formule trinitaire de Matthieu, par exemple, suppose une élaboration doctrinale invraisemblable dans les premières communautés; le Tu es Petrus, ignoré au IIe siècle par les docteurs et les apologistes comme Clément d'Alexandrie ou Irénée de Lyon, implique un certain développement de l'institution ecclésiale etc.
Les remaniements se comptent par centaine. S'ils varient parfois d'un exégète à l'autre, il est absurde d'en nier la réalité, eux seuls permettant d'expliquer les innombrables contradictions contenues dans les Évangiles, les multiples Jésus qu'on a pu y trouver. Ils suffisent à interdire d'attribuer à chaque Évangile une date fixe. " Chaque verset a son âge ", écrivait G. Las Vergnas, et il paraît vain de chercher à suivre leur évolution pas à pas.
"
Je suis assez d'accord avec PEB sur son résumé de travaux qui ne sont pas les siens, sans forcément approuver toutes les conclusions tirées par cetains de ces travaux des exégètes.
Là où je ne le suis pas du tout, c'est quand il affirme de manière générale des contradictions entre les évangiles sans les préciser : le procédé est facile ; il y a certes des passages difficiles mais il faut alors les afficher.
Parler du 4ème siècle alors qu'on possède des manuscrits du 2ème siècle, voire du 1er siècle, c'est limite sur le plan de l'honneteté intellectuelle ; un petit rappel donc pour PEB :
Comparatif entre les manuscrits de différents documents historiques et ceux du Nouveau Testament qui parlent de Jésus :
Nouveau Testament (seconde partie de la Bible)
Nombre de manuscrits : supérieur à 24 000
Date de rédaction de l'original : entre 40 et 100 ap. JC.
Date du plus ancien manuscrit : 130 ap. JC.
Intervalle entre l'original et le plus ancien manuscrit : 30 à 60 ans
Iliade
Auteur : Homère
Nombre de manuscrits : 643
Date de rédaction de l'original : 900 av. JC.
Date du plus ancien manuscrit : 400 av. JC.
Intervalle entre l'original et le plus ancien manuscrit : 500 ans
Les Annales
Auteur : Tacite
Nombre de manuscrits : 20
Date de rédaction de l'original : 100 ap. JC.
Date du plus ancien manuscrit : 1100 ap. JC.
Intervalle entre l'original et le plus ancien manuscrit : 1000 ans
La Guerre des Gaules
Auteur : César
Nombre de manuscrits : 10
Date de rédaction de l'original : 100 - 44 av. JC.
Date du plus ancien manuscrit : 900 ap. JC.
Intervalle entre l'original et le plus ancien manuscrit : 950 ans
La Guerre des Juifs
Auteur : Josèphe
Nombre de manuscrits : 9
Date de rédaction de l'original : Ier siècle
Date du plus ancien manuscrit : Xème siècle
Intervalle entre l'original et le plus ancien manuscrit : + de 800 ans
Histoires
Auteur : Thucydide
Nombre de manuscrits : 8
Date de rédaction de l'original : entre - 460 et - 400 av. JC.
Date du plus ancien manuscrit : 900 ap. JC.
Intervalle entre l'original et le plus ancien manuscrit : 1300 ans
La vie de César
Auteur : Suétone
Nombre de manuscrits : 8
Date de rédaction de l'original : entre 75 et 160 ap. JC.
Date du plus ancien manuscrit : 950 ap. JC.
Intervalle entre l'original et le plus ancien manuscrit : 800 ans
Histoire
Auteur : Pline le jeune
Nombre de manuscrits : 7
Rédaction de l'original : entre 61 et 113 ap. JC.
Plus ancien manuscrit : 850 ap. JC.
Intervalle entre l'original et le plus ancien manuscrit : 750 ans
Tétralogies
Auteur Platon
Nombre de manuscrits : 7
Date de rédaction de l'original : 427 - 347 av. JC.
Date du plus ancien manuscrit : 900 ap. JC.
Intervalle entre l'original et le plus ancien manuscrit : 1300 ans.
Selon le professeur F.F. Bruce, pour la « Guerre des Gaules » de Jules César (écrite entre 58-50 av. J.C.), il existe plusieurs manuscrits ; mais 9 ou 10 seulement sont bons, et le plus ancien date d’environ 900 après César.
Des 14 livres des Histoires de Tacite (env. 100 ap. J.C.), seulement quatre et demi ont été conservés ; des 16 livres de ses Annales, dix en totalité et deux en partie. Ce qui subsiste de ces deux grandes oeuvres ne repose que sur deux manuscrits, l’un du 9è siècle, et l’autre du 11è.
L’histoire de Thucydide (env. 460-400 av. J.C.) nous est connue par huit manuscrits, dont le plus vieux date d’environ 900 apr. J.C.
Il en est de même de l’ Histoire d’ Hérodote ( 480-425 av. J.C.).
Pourtant aucun savant de douterait de l’ authenticité d’Hérodote ou de Thucydide parce que les seuls manuscrits utilisables de leurs oeuvres sont de 1300 ans plus récents que les originaux. De même enfin, pour l’ensemble des oeuvres de Sophocle, nous n’avons qu’un seul manuscrit, copié 1400 après sa mort. »
Pour ce qui concerne le Nouveau Testament, on estime que la composition de celui-ci était terminée à la fin du premier siècle de notre ère avec les écrits de l'évangéliste Jean. Or Les manuscrits de la bibliothèque de John Rylands (àManchester en Angleterre) contiennent l'Évangile de Jean.
Ces manuscrits sont datés de 130 après J.C. ce qui fait un écart d'à peine 25 à 20 ans entre l'écriture de l'Évangile et la première copie que l'on possède. Le Papyrus II de Bodner (150-200) contenant la plupart de Jean confirme la proximité avec l'original.
Conclusion : l'historicité de Jésus dérange alors que celle de César fait consensus ; mais les chiffres et les dates sont têtus !
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encore une fois banni pour bondieuseries (skynet)