Dies Irae a écrit :
Salut à tous !
Je m'interesse beaucoup à l'époque tournant autour de la naissance de Jésus et j'essaye de trouver des livres sur les textes originels et les déformations progressives de la vrai vie du personnage. J'ai lu "L'homme qui devient dieu" (sans pouvoir le finir car la médiathèque me l'a réclamé, mais je vais l'acheter), "l'évangile selon pilate", j'entame "la bible", je vais acheter "jésus contre jésus" et divers livres ou articles historiques sur ce sujet, et par extension aux civilisations de l'époque (interactions juifs/romains, etc). Je voulais savoir si y'avait des personne sur le forum qui s'y interessent également et qui auraient des livres à me conseiller parceque je pense m'orienter, si je ne peux pas faire de lutherie, vers l'archéologie et en particulier sur cette époque ! Je précise que je suis athé, ce qui me permet, selon moi, d'aborder le côté historique le plus objectivement possible ! Voilà, et pis j'aimerais savoir quelle est la réaction des croyants/pratiquants face aux récit historique !
Merci !
Je te conseille pour ma part vivement - avec peut-être une tendance qui est celle de tout historien universitaire à renvoyer à des travaux d'universitaires, sorry...
- les lectures suivantes :
- Pour une approche d'ensemble : Jean-Marie MAYEUR, Charles et Luce PIETRI, André VAUCHEZ et Marc VENARD (dir.),
Histoire du christianisme des origines à nos jours, t. I,
Le nouveau peuple (des origines à 250), Paris, Desclée, 2000, 938 p., synthèse récente de référence qui offre une excellente mise au point sur l'état des connaissances - la question de l'historicité du personnage de Jésus y est évidemment largement présente - et t'indiquera toutes les références bibliographiques sérieuses et utiles. Il est évident que ça ne se lit pas à la manière d'un roman, mais scientifiquement c'est du très lourd tout en ayant l'immense mérite - et c'est trop rare pour ne pas être noté - de rester accessible au profane pour peu qu'il soit réellement prêt à faire un effort intellectuel.
- Pour une réflexion épistémologique sur le rapport de l'historien à la source qu'est la Bible, démarche plus complexe qui nécesite selon moi de maîtriser un minimum les bases et donc d'avoir fréquenté au préalable une bonne synthèse sur la période, jette un oeil à Marie-Françoise BASLEZ,
Bible et histoire, Paris, Gallimard, 2003, 485 p.
Deux ouvrages, pas plus, mais c'est incontestablement ce qui se fait de plus sérieux scientifiquement à ce jour, et de toute façon tu y trouveras toutes les références nécessaires pour aller encore plus loin au besoin (mais c'est déjà pas mal hein, quand tu auras ingurgité le volume de l'
Histoire du christianisme...
). Si j'osais résumer ce que tu y trouveras en trois mots, je te dirais que l'existence du personnage de Jésus est aujourd'hui difficilement contestable, mais que des "prophètes" tels que lui étaient particulièrement nombreux au même moment, dans la même région...
Quant à la question de l'objectivité, je ne sais pas si le fait d'être athée - et donc éventuellement de porter un regard négatif sur la religion, mais ce n'est pas forcément le cas - te permet d'être plus objectif qu'un croyant, qui aura c'est vrai parfois plus ou moins consciemment tendance à postuler la dimension impénétrable de ce que l'on peut appeler les mystères de la foi... Par exemple, je travaille personnellement sur la dimension sociale et politique des mouvements de réformes des ordres religieux dans un diocèse français aux XVIe et XVIIe siècles, et je peux t'assurer que j'ai déjà entendu certaines personnes affirmer que l'on peut réellement comprendre le catholicisme sans le pratiquer, où que de toute façon, l'historien ne pouvant sonder ni les reins ni les coeurs - ce qui est d'ailleurs exact mais un peu commode pour certains -, il est préférable de s'abstenir de toucher aux questions cultuelles et liturgiques. De toute façon, dès l'instant où l'objectivité est le grand idéal de l'historien, il en va comme de tout idéal de perfection : on ne peut que chercher à y tendre, rien de plus, mais cela suffit largement pour constituer le travail de toute une vie... Cette question du rapport personnel à la foi, est une évidemment une question fondamentale pour tous ceux qui s'intéressent de près ou de loin à l'histoire du fait religieux ; une double question en fait, puisqu'il s'agit certes de savoir si les convictions religieuses influent sur la pratique de l'histoire, mais aussi de savoir si la fréquentation du fait religieux influe sur ces mêmes croyances... C'est pourquoi, d'ailleurs, je me permets de te renvoyer une dernière fois à une lecture : Jean DELUMEAU (dir.),
L'historien et la foi, Paris, Fayard, 1996, 354 p., ouvrage dans lequel une trentaine d'historiens se livrent sur le sujet. Je n'ai évidemment pas participé au bouquin (
), mais pour ma part, si tu veux tout savoir, je suis ce que je définis généralement comme un "catho de formation", c'est-à-dire croyant dans l'ensemble, baptisé - suite à l'insistance un peu déguisée de mes parents d'ailleurs - mais non confirmé, et en tout cas fermement non pratiquant. Je crois éviter de la sorte de comporter les légendes noires comme les légendes roses, et en tous les cas j'y travaille quotidiennemment, mais encore une fois, de là à prétendre être parfaitement objectif...