Salut, après avoir lu les 60 pages du topic, je vous soumet après de nombreuses dicussions avec mes proches (merci à Gaelle), quelques reflexions reprenant en partie un certain nombre d'éléments deja expliqué sur le topic mais qui meritent d'être soulignés.
Le caractère libéral de l'Europe est donné par l'objectif du traité de Rome de 1957 de rassembler les Etats membres dans un grand marché commun, unique qui, à terme, ressemblerai à un marché national, c'est-à-dire dans lequel, effectivement, la concurrence est libre et non faussée (sinon on rentre dans un système à la soviétique) et les personnes, les biens, les capitaux et les services circulent librement. Il n’est pas dit tout d’abord que le marché est la seule chose qu’offre l’Europe a ses citoyens. De plus l’adjonction de « non faussée » au qualificatif de « libre marché » est la forme que prend dans la théorie néoclassique, qui est le langage économique courant, la justification de l’intervention de l’Etat pour combattre les monopoles.
L'apport du traité constitutionnel n'est pas de renforcer cette dynamique, même s'il la continue. C'est clair, il n'y a pas de remise en cause de l'objectif de 1957. Mais il donne à l'Union d'autres objectifs (à découvrir à l'article I-3), la charte des droits fondamentaux, des modifications dans les institutions et leur fonctionnement (à découvrir sur les sites d'information telles que constitution-europeenne.fr) et une simplification des traités dans le sens où il reprend l'ensemble de l'acquis communautaire.
Parmi les avancées de ce nouveau traité, il y a, certes, donner plus de force à l'Union sur la scène internationale, mais aussi accroître l'efficacité des institutions supranationales à 25 (élargissement du champ de la majorité qualifiée au Conseil, c'est-à-dire une diminution du champ de l'unanimité), réduire le déficit démocratique (accroissement des pouvoirs du Parlement européen et introduction d'un nouveau rôle aux Parlements nationaux) et donner à l'Union un caractère politique en lui donnant des valeurs et des objectifs politiques communs, la personnalité juridique et en la dotant de la charte des droits fondamentaux.
Si les gaullistes apprécient le renforcement de la place de l'Europe dans le monde, les socialistes peuvent apprécier la naissance de l'Europe politique avec ses nouveaux objectifs. Tous les partis démocratiques de gauche comme de droite peuvent apprécier le recul du déficit démocratique. Ce recul est insuffisant ? Il faut rappeler que l'UE reste une union entre Etats avant de devenir une fédération des peuples européens, voire un Etat fédéral à part entière. Aujourd'hui encore, les Etats membres restent souverains et les gouvernements ont le devoir de veiller aux intérêts de leurs Etats, au-delà, si nécessaire, de l'intérêt général européen.
Je crois que c'est évident, ce texte n'est pas une Constitution au sens national, classique du terme.
Une Constitution décrit, comme ce texte, c'est vrai, les institutions et leur fonctionnement. Il en va de même de tous les précédents traités européens depuis la CECA, mais aussi du traité qui institut l'ONU ou celui qui institut l'OMC. La particularité de la Constitution, c'est qu'elle donne les règles suprêmes d'un Etat souverain. L'Etat français est souverain, l'Etat fédéral américains est souverain, mais pas les 50 Etats qui le composent, même s'ils ont une grande autonomie ; l'Etat allemand est souverain, pas les Länder...
De plus, l'immense majorité des Constitutions interdisent le droit de sécession. Il relève justement du devoir de l'Etat de veiller à l'indivisibilité et à l'inaliénabilité du territoire national. Dans l'UE, chaque Etat membre a le droit inconditionnel de quitter l'Union. Et celle-ci n'a pas la souveraineté. Voilà ce qui fait du traité dont on parle, non pas une Constitution, mais bien un traité international.
Ce sont les Etats membres qui restent souverains. Par le traité, les Etats transfèrent des compétences à l'Union. Mais ils ne le font pas avec largesse car ils ne se comprennent pas toujours très bien, leurs traditions nationales divergent... Les compétences transférées doivent être décrites suffisamment précisément pour éviter les mal-entendus. Qu'est-ce que la concurence... voir les articles III-161 à 169, dans quelle mesure l'Union peut-elle légiférer sur les politiques sociales... articles III-209 à 219, etc... Ainsi, le traité est, comme une Constitution, un manuel d'utilisation des institutions, mais aussi, un manuel d'utilisation des compétences qui sont transférées au niveau européen. D'où la partie III, indispensable.
Par exemple, dans la politique sociale, l'Union peut encourager les Etats membres à coordonner leurs politiques et recommander des minimums sociaux. C'est tout. Les Etats gardent leur autonomie réelle et entière en matière de politique sociale. Ils sont les seuls maîtres de leur "ordre social". La charte des droits fondamentaux est limitée aux actes de l'Union justement pour ne pas empiéter sur des compétences qui ne lui ont pas été attribuées. Ne peuvent être présentés devant le juge de Luxembourg que les litiges qui entrent dans le champ des compétences de l'Union.
Enfin, le traité constitutionnel n'empêche ni de facilite pas plus que Nice la possibilité de choisir la forme que prendra l’Europe future. Cela dépendra de ce que les Européens en feront (les politiques comme les peuples). Quant à la "vraie constitution européenne", il est beaucoup trop tôt à mon sens. Renégocier un autre traité... tout est possible ! Mais il faut savoir que les oppositions à ce traité sont autant voir plus libérales que sociales. Que dire du Président Tchèque, le plus libéral d'Europe, qui souhaite que son pays ne ratifie pas le traité constitutionnel ?
Quelqu'un a-t-il lu le Courrier international d'il y a un mois sur les 'non' en Europe ?
En tout cas, pour moi, ce sera oui parce que je ne veux pas que l'Union reste un simple marché unique. Je veux qu'elle soit un modèle démocratique, social, respectueux de l’environnement et des différences culturelles, une zone de paix qui prouve à l’humanité toute entière qu’il est possible de vivre en harmonie avec ses anciens ennemis, que vivre ensemble, partager, échanger, s’enrichir mutuellement n’est pas un rêve utopique. Et la direction du traité constitutionnel va dans ce sens. Timidement, certes, mais c'est parce que c'est tellement dur de se mettre d'accords entre cultures différentes, très différentes !
P.S: Bravo à ceux qui auront eu le courage de lire ce post en entier, mais j'espère avoir été plus constrcutif que si j'avais donné mon simple avis sans argumentation.