nutos a écrit :
Vu sous l'angle pédagogique, le projet de loi sur l'école de François Fillon pourrait à première vue, en dehors de l'habileté à vouloir satisfaire tout le monde a minima, paraître disparate. Or il y a une cohérence entre tous ces éléments de la loi et de son contexte : l'appel à revenir aux «bonnes vieilles méthodes qui ont fait leur preuve» ; l'incitation à restaurer l'autorité chez les enseignants ; le renforcement des redoublements ; la curieuse inscription dans le texte de la «liberté pédagogique de l'enseignant» ; le décrochage du bac des TPE (travaux personnels encadrés), emblème dérisoire de la dernière réforme des lycées ; l'institutionnalisation de trois heures de soutien pour les élèves qui ne maîtriseraient pas le socle commun de la scolarité obligatoire.
Quelle est la cohérence pédagogique de toutes ces mesures ? Tourner la page de ce qui a été inscrit dans les textes depuis plus de vingt ans et dont le nom n'est même pas prononcé ici : la pédagogie différenciée. Voici la victime cachée de la réforme. La pédagogie différenciée se voit ici signifier son arrêt de mort au profit d'un retour à la pédagogie traditionnelle.
Sur le fond, de quoi s'agit-il ? De la prise en compte et de la gestion des différences entre les élèves. Censés théoriquement être homogènes dans la même classe, les élèves se révèlent de fait par trop différents. Il faut donc bien considérer ces différences. Les pédagogies «nouvelles» (éducation nouvelle, pédagogie Freinet, pédagogie institutionnelle, pédagogie par objectifs, pédagogie de maîtrise, pédagogie différenciée...) entendent traiter ces différences à l'intérieur de la classe, dans le cours des activités ordinaires. A l'inverse de la pédagogie de soutien, qui, elle, traite à part, sur un temps spécial, les élèves en difficulté. Il ne s'agit pas ici de filières spécifiques hiérarchisées ou d'établissements différents qui accueillent ces élèves, mais d'un dedans-dehors de la classe ordinaire. On sort les élèves pour les «réparer», en espérant que ce traitement spécial les remettra au niveau, en estimant que ce n'est plus au quotidien scolaire de veiller à prendre en compte les différences.
La pédagogie de soutien est-elle nouvelle ? Nullement, c'est une revenante. Son succès est indéniable, non pas dans ses effets remédiateurs, mais dans son acceptation par l'habitus scolaire. Pourquoi ? Parce qu'elle permet, en traitant à part certains élèves, de ne pas changer le quotidien scolaire. Autrement dit, la pédagogie de soutien est la béquille favorite de la pédagogie traditionnelle. Qu'est-ce à dire ? Qu'il semble normal que, dans la classe, tous les élèves fassent simultanément la même chose au même moment sous la conduite du maître et que donc, si le niveau d'entrée des élèves est homogène, leur niveau de sortie le sera. Cette organisation scolaire que l'on nomme simultanée, codifiée en 1 720 par Jean-Baptiste de La Salle, a été adoptée officiellement par Guizot en 1830 et reprise par Ferry en 1882. Elle tiendra tant que la gestion des différences se fera en fait principalement par la mise en place d'établissements différents et de filières différentes, limitant ainsi l'hétérogénéité des classes tout en rendant impossible l'égalité entre les élèves. Mais quand, en 1975, le ministre Haby instaure le collège unique, les différences entre les établissements et les filières vont être dissoutes. Haby supprime les filières au sein du collège, introduit l'hétérogénéité des élèves au sein de chaque classe tout en maintenant le mode simultané qui suppose l'homogénéité, et impose un dispositif de réduction et de traitement de cette hétérogénéité des publics par l'intermédiaire de la pédagogie de soutien.
Celle-ci montrera très rapidement ses limites. Car le fait de dispenser le même enseignement dans la classe au même moment à l'ensemble des élèves produit de l'échec scolaire et ne permet surtout pas de répondre à un tel échec. La pédagogie de soutien, en tant que supplément pédagogique de la pédagogie traditionnelle, ne parviendra pas à renverser cette fabrication de l'échec, même si elle donnera bonne conscience aux acteurs. Et c'est pourquoi, en 1983, le ministre Savary prônera la pédagogie différenciée, véritable remise en cause et subversion du mode simultané. Elle deviendra la référence dans les textes officiels mais n'aura jamais les moyens de sa mise en oeuvre.
Fausse «nouveauté» mais véritable régression pédagogique, la pédagogie de soutien fait sortir du quotidien de la classe la question de la prise en compte des différences entre les élèves. A ce titre, elle justifie la pédagogie traditionnelle, l'encourage, lui donne bonne conscience. La loi Fillon sur l'école signe la mort de la pédagogie différenciée, le retour de la pédagogie de soutien et la restauration de la pédagogie traditionnelle. Il restera aux acteurs de l'éducation à se prévaloir de leur prétendue nouvelle «liberté pédagogique d'enseignant» (qui a toujours été leur lot !) pour prendre en compte, au quotidien et autrement, les différences entre les élèves...
Jean Houssaye, professeur en sciences de l'éducation à l'université de Rouen.
en vérité, je n'y connais rien sur l'éducation, mais les faits sont là : les élèves sont de moins en moins bons. Alors pourquoi ne pas en revenir aux méthodes traditionnelles?
en mettant tous les élèves dans la même classe on les diffencie, paradoxalement, en allumant sur les plus mauvais tous les projecteurs. Il faut adapter le programme au type d'élèves.
Par contre, quelqu'un peut m'expliquer pourquoi les lycéens manifestent? Pour faire les cons? Parce que quand j'étais lycéen, je manifestais déjà pour rien, mais apparemment, ça n'a pas changé...
Les lycéens sont manipulés... ils devraient se réjouir du contrôle continu, qui facilite l'obtention de leur examen et le sérieux au cours de l'année.
Seulement, ça les oblige à bosser, voilà la vérité.
Alors quand je les entends répéter les arguments bidons qu'ils ont entendu dans la bouche de certains profs ou à la télé, ça me hérisse.
"on veut que le bac à Louis le grand vale autant que le bac de Seine St Denis"... ben justement ! Dans le cadre du contrôle continu, l'élève de Henri 4 est noté bien plus sévèrement que l'élève de Seine St Denis à travail égal (et heureusement !).
En plus je ne vois pas pourquoi le mec de Seine St Denis aurait de meilleures notes au bac qu'au contrôle continu...
Alors je ne vois pas bien où est le problème... surtout que le bac en soi ne vaut pas grand chose... c'est le dossier scolaire qui compte (prépas). Ici, on sait bien que les élèves de Henri 4 sont mieux placés. ça ne changera pas.
" Raphaël" 5e vendeur de disques en 2005. Pauvre France.