Le topic de l'anticapitalisme

Rappel du dernier message de la page précédente :
jules_albert
pour élever un peu le débat en sortant des argumentaires chiants et purement économiques, voilà comment le capitalisme dégrade le goût (ou plutôt , empêche qu'il puisse se développer). rappelons que la vraie question n'est pas quel monde nous allons laisser à nos enfants mais plutôt quels enfants nous allons laisser au monde... en effet, c'est encore dans l'esprit des humains que le capitalisme produit ses plus grands dégats.

des millions de personnes mangent volontiers dans les fast-foods, tout en ayant la possibilité de manger ailleurs pour le même prix. c'est l'argument que brandissent les défenseurs des fast-foods. ainsi, selon eux, se sont "les gens" qui, spontanément, veulent, demandent, désirent cette sorte de nourriture.

pour répondre à cet argument, il faut rappeler le fait élémentaire que, au milieu d'un matraquage médiatique massif et continuel en faveur de certains styles de vie, le "libre choix" est plutôt conditionné.
mais il ne s'agit pas seulement de manipulation médiatique... l'accès à la plénitude de l'être humain nécessite une aide de la part de ceux qui possèdent déjà, au moins en partie, cette plénitude. laisser libre cours au développement "spontané" ne crée pas les conditions de la liberté. la "main invisible" du marché finit dans le monopole absolu ou dans la guerre de tous contre tous, non dans l'harmonie. ainsi, ne pas aider quelqu'un à développer sa capacité de différenciation signifie le condamner à un infantilisme perpétuel.

voici un exemple très éclairant. il existe quatre goûts fondamentaux dans le sens de la saveur : le sucré, le salé, l'acide et l'amer. or, le palais humain est capable de percevoir la dix millième partie d'une goutte amère dissoute dans un verre d'eau, tandis que, pour les autres goûts, il faut une goutte entière pour que celle-ci soit perceptible. par conséquent, aucun autre goût n'est aussi capable que l'amer de différenciation et d'une multiplicité presque infinie de sensations gustatives.
les cultures du vin, du thé et du fromage, ces grandes sources de plaisir dans l'existence humaine, se fondent sur ces gradations innombrables de l'amer.

cependant, le petit enfant refuse spontanément l'amer et n'accepte que le sucré, puis le salé. il doit être éduqué à apprécier l'amer, en dépassant une résistance initiale. en échange, il développera une capacité de jouir de ce domaine qui, autrement, lui serait resté inaccessible. mais si personne ne le lui suggère, l'enfant ne demandera jamais rien d'autre que le sucré et le salé, qui connaissent bien peu de nuances, pouvant seulement être plus ou moins forts. et c'est ainsi que naît le consommateur de fast-food, qui se base uniquement sur le sucré et le salé, incapable d'aimer des saveurs différentes. et ce qu'on n'a pas appris étant petit, on ne l'apprendra plus devenu grand : si un enfant qui a grandi à base de hamburgers et de coca-cola devient un nouveau riche et veut étaler culture et raffinement, il aura beau consommer des vins coûteux et des fromages de qualité, il ne saura jamais les apprécier vraiment (cf. le film "mondovino" expliquant comment certains viticulteurs français adaptent leurs vins aux exigences des consommateurs américains qui demandent un goût sucré et vanillé, lequel goût finit par devenir aussi celui de nombeux consommateurs français..)

on peut appliquer ce raisonnement sur le goût gastronomique au goût esthétique. il faut une éducation pour apprécier une musique de bach ou une musique arabe traditionnelle, tandis que la simple possession d'un corps suffit pour "apprécier" les stimulations somatiques d'une musique rock.

il est indéniable qu'une bonne partie de la population semble demander "spontanément" du coca-cola et du rock, des bandes dessinées et de la pornographie en réseaux. pourtant, cela ne prouve pas que le capitalisme, qui offre toutes ces "merveilles" à profusion, est en syntonie avec la "nature humaine". cela démontre plutôt qu'il a réussi à maintenir cette "nature" à son stade initial. en effet, manger avec un couteau et une fourchette ne fait pas non plus d'emblée son apparition dans le développement d'un individu...
donc, le succès des industries du divertissement et de la culture du facile n'est pas dû seulement à la propagande et à la manipulation mais aussi au fait que ces industries viennent à la rencontre du désir "naturel" de l'enfant de ne pas abandonner sa position narcissique.

désormais, tout contribue à maintenir l'être humain dans une condition infantile : télévision, publicité, jeux vidéo, programmes scolaires, expositions dans les musées, sport de masse... tout concourt à la création d'un consommateur docile et narcissique qui voit dans le monde entier une extension de soi-même, gouvernable d'un clic de souris.

la pression continuelle des mass media, l'élimination de la réalité autant que la "flexibilité" imposée en permanence aux individus et la disparition des perspectives traditionnelles de sens ainsi que la dévalorisation de ce qui constituait jadis la maturité des personnes remplacée par une adolescence éternelle dégradée : tout cela a produit une véritable régression humaine à large échelle, une authentique barbarie quotidienne.


bibliographie :
a. jappe, "le chat, la souris, la culture et l'économie"
b. barber, "comment le capitalisme nous infantilise"
c. boudan, "géopolitique du goût"
Sans valeur marchande : https://debord-encore.blogspot(...).html

La peste citoyenne. La classe moyenne et ses angoisses : http://parolesdesjours.free.fr(...)e.pdf
cold
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    cold
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Kandide a écrit :
ZePot a écrit :
Des tas de systèmes sont possibles, hein. Mais un système où chacun n'essaie pas de tirer la couverture à soi, ça j'en doute. J'ai pas vu grand monde chez les Zicos du coeur non plus, d'ailleurs.


C'est pas faux...
On touche après à de la philosophie de l'être, la cupidité, etc...
Finalement l'Homme est-il capable de partager avec son prochain ?
Ou bien l'Homme est-il un loup pour l'Homme ?


En tout cas il fut bien naïf de croire que le système des marchés dans lequel on vit pouvait s'auto-réguler et être harmonieux sans interventions extérieures (État etc) en oubliant comme dit plus haut la cupidité de l'Homme...
Invité
Azazello a écrit :
Ceux qui croient à la viabilité d'un système où l’État pourrait se prêter à lui-même à 0% (en fait à -100%) sont, au mieux, des fous.


Impeccable, merci de ton avis !

J'avais un doute sur cette proposition et tu viens de le dissiper. Si tu es aussi péremptoirement contre, ça me suffit à le valider d'office.
Kandide
Oui....
Albert Jacquard avait tiré la sonnette longtemps avant la crise en dénonçant la naïveté des "marchés" qui imaginaient une croissance infinie, d'où une spéculation infinie (par extension une dette infinie), etc...

N'importe quel système suit le cycle naturel de la vie, naissance, progression, puis décrépitude.....
Il serait présomptueux de croire que notre système financier échappe au cycle de la vie....
Lao
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    Lao
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Kandide a écrit :
...........On touche après à de la philosophie de l'être, la cupidité, etc...
Finalement l'Homme est-il capable de partager avec son prochain ?
Ou bien l'Homme est-il un loup pour l'Homme ?
C'est vrai que le loup est comparable à l'homme par bien des aspects, c'est aussi un animal grégaire capable de maitriser son agressivité au profit de la meute mais aussi de l'utiliser pour dominer. On a tendance à citer l'agressivité du loup mais le loup est capable d'amour et de solidarité.
Citation:
C'est un grand-père sioux qui explique la vie à son petit-fils :
- Tu sais, dans notre esprit, il y a en permanence deux loups qui s'affrontent. L'un est noir, c'est le loup de la haine, de la colère, du pessimisme. L'autre est blanc, c'est le loup de l'amour, de la générosité, de l'optimisme.
- Et c'est lequel qui gagne, à la fin ?
- Celui qui gagne, c'est toujours celui que tu as le mieux nourri...
http://psychoactif.blogspot.co(...).html
“La peur est le chemin vers le côté obscur. La peur mène à la colère. La colère mène à la haine. La haine mène à la souffrance.” Yoda.
Invité
jules_albert a écrit :
pour élever un peu le débat


Si ça te dérange pas je vais vous attendre en bas...
bustyblonde
jules_albert a écrit :
pour élever un peu le débat en sortant des argumentaires chiants et purement économiques, voilà comment le capitalisme dégrade le goût (ou plutôt , empêche qu'il puisse se développer).

Bla Bla Bla

des millions de personnes mangent volontiers dans les fast-foods, tout en ayant la possibilité de manger ailleurs pour le même prix. c'est l'argument que brandissent les défenseurs des fast-foods. ainsi, selon eux, se sont "les gens" qui, spontanément, veulent, demandent, désirent cette sorte de nourriture.

Plus haut, c'est le soleil.

Encore un qui ne sait pas faire le discernement entre capitalisme et libéralisme économique dans sa logorrhée auto-suffisante. Le petit vigneron ou l'artisan-fromager sont capitalistes, Justin-Albert!

Le fast-food c'est comme les Nike. On ne consomme pas vraiment un produit, mais un "mode de vie" grâce au "branding".
--Nico--
On a compris ce distingo capitalisme/économie libérale, mais en pratique, l'un est toujours lié à l'autre. Jamais l'économie n'a été régulée de manière drastique dans les pays industrialisés, pas suffisamment en tout cas pour que l'on puisse se dire "ah, tu vois, nous vivons dans un système capitaliste, mais celui-ci est totalement régulé par les pouvoirs politiques, de manière à assurer le maximum d'équité entre les individus"
Ce n'est pas étonnant que la plupart des gens fassent l'amalgame entre capitalisme et libéralisme économique.
Invité
On peut comprendre cette propension à faire un tel amalgame, l'ennui c'est qu'il mène les gens qui le font à encourager de mauvaises solutions à de vrais problèmes...
Invité
Kenny a lui-même vendu la mèche.

Ce concours n'est qu'un instrument du grand capital dont l'unique but est de refourguer du matos français à l'étranger.

A titre personnel je trouve ça révoltant...
bustyblonde
J'y vois principalement une manifestation élitiste d'un courant technocrate qui, formé dans les meilleures écoles, garde une main mise sur la classe moyenne guitaristique. Il s'agit là d'une oligarchie qui, grâce à des moyens techniques importants, suit le dictat établi par Margaret Van Halen ou Yngwie Reagan dans les années 80, idéologie fortement empreinte par un académisme de droite conservatrice. Résultat: gaspillage de notes, productivisme concurrentiel et soumission de la classe ouvrière par une élite qui gagne des fortunes en spéculant sur l'émotion musicale.

NB: sérieusement, respect pour la maîtrise des professionnels (surtout le mec au synthé rouge et Glenn Branca!). Le topic lui-même est passionnant!
mabuto
  • Special Méga utilisateur
bustyblonde a écrit :
J'y vois principalement une manifestation élitiste d'un courant technocrate qui, formé dans les meilleures écoles, garde une main mise sur la classe moyenne guitaristique. Il s'agit là d'une oligarchie qui, grâce à des moyens techniques importants, suit le dictat établi par Margaret Van Halen ou Yngwie Reagan dans les années 80, idéologie fortement empreinte par un académisme de droite conservatrice. Résultat: gaspillage de notes, productivisme concurrentiel et soumission de la classe ouvrière par une élite qui gagne des fortunes en spéculant sur l'émotion musicale.

NB: sérieusement, respect pour la maîtrise des professionnels (surtout le mec au synthé rouge et Glenn Branca!). Le topic lui-même est passionnant!

"La musique souvent me prend comme une mer."
"La vraie musique suggère des idées analogues dans des cerveaux différents."
Charles Baudelaire
Josh43
  • Custom Cool utilisateur
chix4free a écrit :
Quid du French Guitar Contest dans tout ça ?

Revanche d'un lumpen-proletariat à visées luddistes sur les détenteurs du capital culturel intangible et infongible ? Micro-phénomène illustrant l'emprise de la superstructure pan-matricielle mercantile et ...


Ta gueule.

Soso: ?
*: NOBODY EXPECTS THE SPANISH INQUISITION!

En ce moment sur backstage...