Samshiel a écrit :
Il y a deux camps, deux orientations. ça ne veut pas dire qu'il n'y a que deux manières de se positionner, d'autant plus que la politique porte sur des domaines divers et complexes, et des prises de position diverses peuvent être reliées par des canaux idéologiques parfaitement cohérents.
Je ne suis pas tout à fait d'accord. Il y a 2 extrêmes, c'est indubitable: d'un côté, le tout-étatique, de l'autre le tout-libéral (ou comme tu le formulais, holisme/individualisme). Mais est-ce que pour autant chacun doit se définir par une adhésion absolue et inconditionnelle à l'un ou à l'autre ? Bien évidemment que non. Même vous, vous ne le faites pas (et encore heureux). Et encore heureux, d'ailleurs. Parce que le Meilleur des Mondes n'est pas plus souhaitable que la loi de la jungle.
Là ou je te rejoins, c'est que la politique, c'est une histoire d'adhésion à des choix, des options qui se définissent par rapport à une position sur le spectre des options qui vont d'un extrême à l'autre.
Et c'est là que je ne suis plus du tout d'accord avec Kreuzberg: se définir "par opposition à" des choix, c'est accepter (ou courir le risque d') une bipolarisation, et d'une certaine façon une radicalisation du débat. Ce qui, nous sommes d'accord sur ce point, a été peut-être au final l'héritage le moins positif de Mai 68 (car je reste convaincu que, dans les consciences collectives au moins, Mai 68 a eu des impacts positifs, et que sans ces évènements beaucoup de grands tournants comme l'abolition de la peine de mort ou la légalisation de l'IVG n'auraient pas eus lieu, ou beaucoup plus tard).
En fait, et c'est là qu'on en arrive aux accusations de manichéisme de Kreuzberg, c'est effectivement là que se situe pour nous le divergence profonde avec les tenants du clivage gauche/droite traditionnel: là où nous avons le sentiment que chacun des camps en présence se définit par sa proximité à un extrême (on pourrait ironiser/caricaturer en disant que le rose du PS n'est qu'un rouge atténué), en ne faisant des concessions à l'extrême d'en face que parce qu'il les considère comme un "mal nécessaire" (la législation et donc une forme d'intervention de l'Etat pour la droite, l'introduction d'une dose d'économie de marché et de dérégulation dans la conception du monde pour la gauche), là où pour notre part, nous avons le sentiment que notre vision économique, politique et sociale se définit par une acceptation de la nécessité relative des deux extrêmes, et par l'obligation de faire la juste part entre individualisme et holisme, pour faire coïncider la nature de l'Homme (portée sur l'individualisme) avec les exigences de la vie en société (qui tendent au holisme).
Alors oui, il y a une dimension "messianique" dans notre discours, parce que d'une part nous avons le sentiment parfois d'être la première formation politique de poids dans le pays à assumer et revendiquer pleinement cette ambition "centriste" (visant à l'équilibre et la recherche de nécessaires compromis, au sens non péjoratif du terme) et se définissant non plus par opposition à un parti adverse, mais par une logique d'équilibre, mais aussi, ce qui est naturel quelque part, parce que pour beaucoup, l'adhésion aux idées se fait au moins en partie par rapport à un leader charismatique (et charismatique, il l'est, le François, quoi qu'on en pense et dise).
A noter (pour conclure, ce coup-ci au moins
) que si je ne peux pas voir Sarko, c'est précisément parce que sa méthode pour produire de l'adhésion consiste précisément à produire artificiellement ou non du clivage, du manichéisme, afin de susciter de l'adhésion en creux par un rejet commun du camp d'en face,paré pour l'occasion de tous les vices (cf son discours lors des évènements dans le RER avant le 1er tour). Chose qui me débecte d'autant plus qu'elle joue sur le fond de xénophobie (au sens étymologique du terme) présent en chacun de nous. Ce qui m'a fait dire à plusieurs reprises que le carburant de Sarkozy, c'est de flatter les plus bas instincts de ses électeurs. Chose qui, et j'assume totalement mes propos (mais rien de plus, merci de ne pas extrapoler), a été pendant des décennies le modus operandi de Le Pen. Mais, pour être juste, également celui des Besancenot, Laguiller (sorti du côté folklorique amusant/attachant) et autres Bové, qui ne se définissent qu'en creux et par la détestation d'un "ennemi" commun...
Edit: houlà, dans la catégorie "loghorrée scripturale" j'ai frappé un grand coup, là