Point de vue d'un éditorialiste du Monde:
En France, depuis plus de vingt ans, le débat sur l'immigration est occulté par le combat contre le racisme. Les efforts répétés de l'extrême droite, pour imposer sa thématique inacceptable, ont obligé les démocrates à réagir face à cette menace, plutôt que de réfléchir sur l'ouverture du pays à ceux qui souhaitent venir y travailler temporairement ou s'y installer définitivement.
L'initiative de Nicolas Sarkozy, qui, après d'autres, a invité les Français à voir dans l'immigration non plus une fatalité mais une nécessité, est donc bienvenue. Le président de l'UMP a raison de souhaiter que l'on se préoccupe de "l'immigration choisie" et que l'on cesse de percevoir l'immigration comme subie.
La difficulté, cependant, tient au fait que l'immigration devrait être un choix non seulement pour les pays d'accueil mais pour les immigrants eux-mêmes. Le plus souvent, aujourd'hui, ce n'est pas le cas. Certes, la décision de s'expatrier a toujours procédé d'un malaise, économique ou politique, mais l'attrait du lieu de destination a joué un rôle dans les mouvements migratoires dont ont bénéficié les divers pays d'Amérique, à commencer par les Etats-Unis, ou, en Europe, la France. Depuis les années 1970, au contraire, les inégalités économiques et la pauvreté des pays du Sud sont la principale cause des tentatives de certains de leurs habitants pour se frayer un chemin jusqu'aux pays du Nord.
C'est dans ce contexte qu'il faut étudier l'idée de quotas, replacée dans le débat par M. Sarkozy. La double contrainte - les pays riches manquent de main-d'œuvre, les pays pauvres sont... pauvres - ne justifie pas le cynisme.
Les quotas par pays, pratiqués ailleurs, sont contestables. Selon quels critères déciderait-on d'admettre ou d'exclure telle ou telle nationalité ? Ils ne pourraient procéder que de généralisations abusives, sur les caractères nationaux attribués à tel ou tel groupe, ou bien d'accords spéciaux, de gouvernement à gouvernement, qui seraient sources d'injustices. Les quotas par métiers posent, eux aussi, un problème. Est-il souhaitable que le Nord "fasse son marché" parmi les techniciens et les cadres dont le Sud a besoin pour se développer ?
Ethniques ou professionnels, les quotas ne sont donc pas la piste principale à explorer pour évoluer vers une politique d'immigration qui reconnaisse celle-ci comme nécessaire et souhaitable. L'essentiel, néanmoins, est dans le changement d'approche dont procède cette réflexion.
Une deuxième condition, pour que le débat soit fructueux, est de prendre en compte la dimension européenne. Aucune action efficace n'est possible, dans ce domaine, sans coordination des vingt-cinq membres de l'UE. La coordination n'est pas l'uniformité, et des différences de cultures entre les pays européens pour ce qui est de l'accueil des étrangers, subsisteront. Mais l'ouverture des frontières intérieures impose des règles communes aux frontières extérieures
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