Un témoignage qui m'a bien plu:
J’aime l’Eurovision. Ouais ouais. Généralement parce que la télécommande
est trop loin et que mon gros cul ne supporte pas de se lever les soirs
de gueule de bois. Mais c’est une fausse excuse hein. J’aime
l’Eurovision. Pas au premier degré (mais il ne doit rester que de
vieilles folles ukrainiennes pour oser y croire) et encore moins au
second, parce qu’il faut franchement n’avoir rien d’autre à foutre que
de se gausser devant l’affreuse coupe de cheveux des russes. C’est trop
facile. Pas de quoi se rincer l’œil en plus. Non, l’Eurovision c’est du
troisième degré, celui du concept passionnant. Qui mêle enjeux
géopolitiques et contradictions affirmées.
L’Eurovision, c’est tout de même l’événement européen le plus masochiste
qui soit. Le but pour les pays participants étant, comme chacun sait, de
ne pas remporter le concours. L’essentiel n’est pas de participer mais
de perdre. A l’heure où l’Europe se cherche encore une unité, tout le
monde se tire dans les pattes et fait l’apologie du mauvais goût, le
tout orchestré par de vieilles tantes libérales persuadées que
l’Eurodance est la nouvelle symphonie moderne. Bien loin des concepts de
valorisation individuelle propre à certaines émissions de télé-réalité.
Et encore plus loin que celles jouant sur l’humiliation. Car ici
l’humiliation ne se concentre pas sur une chèvre kamikaze qui chante
mais sur un pays entier. C’est là que c’est compliqué. Chaque pays doit
tenter de trouver le juste milieu entre l’humiliation publique et son
amour-propre. Pas facile, hein. Et terriblement schizophrène.
Le principe en tête, ne reste plus qu’à trouver une chanson sans âme,
mélodique mais pas trop, entraînante mais pas trop. Une soupe tiède
qu’on avale parce qu’on a faim mais dans laquelle on ne mettra pas de
croûtons. Manque de bol cette année, les autorités finlandaises
pensaient sûrement finir bons derniers, mais ont frappé trop fort. Ça a
plu..
Lordi, donc, le groupe de hard rock monster (sic) finlandais remporte
cette édition. Pas si étonnant que ça d’ailleurs. Enlevé les pseudos
guitares heavy-metal et les costumes en latex, la chanson reste de la
variété dans la plus pure tradition Eurovision, bloquée sur les années
80. Du Meat Loaf avec une voix plus grave. Rien de bien méchant ni de
bien novateur quoi. Il n’empêche que Lordi a surpris tout le monde.
C’est bien simple, personne n’a compris ce qu’il se passait pendant les
votes. Les mines déconfites de tous les pays compenants enfin que leur
joujou se cassait. Que la sauce dans laquelle ils se complaisaient
depuis des années ne fonctionnait plus. Les Européens ont voté en masse
pour ce groupe. La France également, n’en déplaise à ces verrues de
Drucker / Siar qui riaient doucement que les autres abrutis votent pour
ce truc débile. Fallait entendre comme justement y’a rien eu à entendre
quand la France a donné 8 ou 10 points aux Finlandais. Drucker / Siar,
zéro point pour votre chauvinisme. Hop là. Quelle leçon en tirer ? Que
les européens ont de l’humour finalement. Le mot d’ordre de cette
édition ayant été On fait tous du sous-Shakira avec 6 ans de retard, ou
alors on reste dans l’Eurodance de base, les finlandais ont proposé
quelque chose d’autre. Une sombre merde certes, mais autre chose quand
même, ni folklorique à deux balles, ni bombasse espagnole les seins à l’air.
Et c’est la European Corporation of Eurovision qui se retrouve à nue
avec cette victoire. Celle qui une fois par an devait faire croire au
spectacle de qualité, au grand rassemblement populaire, au village
global de l’amitié inter-peuples, persuadé que ses crétins de
compatriotes suivraient comme des moutons. L’Europe de Drucker, celle
des jolies ballades irlandaises et du joli folklore Grec, cette Europe
n’en a eu rien à foutre, en votant pour un truc qui ressemblait à un gag.
Grosse déception par contre: la France a obtenu des points. Culminant en
dernière position pendant la moitié des votes, l’excitation de se
retrouver derniers était délicieusement grisante. Mais il aura fallu que
les Arméniens nous refilent des points. Pour une première participation
à l’Eurovision ils auraient pu s’abstenir. Je ne ferai pas de blague de
mauvais goût même si ça me gratte la langue. Pourtant les officiels
français avaient tout fait pour repartir bredouille en envoyant leur
kamikaze Virginie Pouchain (ils auraient quand même pu lui trouver un
nouveau pseudo, je sais pas moi, Virgyny Push par exemple). Salauds
d’Arméniens.
Le pire c’est que j’y crois même pas à ce complot contre l’Eurovision.
Le pire c’est qu’il y a sûrement des gens chez France Télévisions qui y
croyait à leur chanson.
Il n’y a qu’une chose qui m’énerve en fait. C’est cette langue de bois
ou alors cette bêtise toute française. Les éditions précédentes, on
sentait bien que les commentateurs avaient tout simplement le couteau de
la direction de France Télévisions sous la gorge au moment où il fallait
dire absolument du bien du participant français (la grand époque Fogiel
/ Dave). Cette année par contre c’est la bêtise qui faisait acte. Le duo
Michel Drucker / Claudy Siar est la plus mauvaise idée qu’ai eu cette
vieille tanche de Patrick De Carolis. En plus de n’avoir aucun second
degré, concept inexistant chez De Carolis, le duo faisait la part belle
à une langue de bois particulièrement grossière. Drucker reste quand
même le plus impressionnant des suçe-boules français. Claudy Siar est en
voie de suivre le même chemin.
Le plus déplaisant étant, comme à chaque fois, l’excuse facile
géopolitique des votes. Non pas qu’il faille se scandaliser que tout le
bassin balkan se soutienne, après tout pourquoi pas, mais la France
passe son temps à se plaindre de cette méthode, tout en pestant contre
la Belgique ou Monaco qui ne font pas de même avec nous. Tout simplement
parce que la Belgique et Monaco ne votent pas par voisinage, mais vote
pour une chanson, donc forçément il y a peu de chances que nos daubes
soient soutenues hein.
Ah l’Eurovision, ton univers impitoyable… Vivement l’année prochaine…