AnGeL_Of_SiN a écrit :
En parlant de remarques toutes faites:
fab38 a écrit :
une fois qu'on a travaillé une grande partie des sonates pour piano de Beethoven, le reste de la production pianistique mondiale peut paraître bien redondante, voire fade
on se pose là aussi
Bing! Un point pour toi!
Pour le reste de ce que tu écris, je crois comprendre ce que tu sous-entend. Celà dit, j'ai rarement senti ce sentiment bien-de-chez-nous de vouloir mettre en avant des compositeurs dits "mineurs". D'ailleurs, je ne saurais pas trop quoi mettre dans ce sac... Il faut aussi faire attention à ne pas tomber dans le travers invers, qui consiste à considérer que les compositeurs français sont mineurs parce qu'ils sont français : Ravel a écrit des oeuvres impressionantes (putain, son Concerto pour la main gauche est un truc de fou, dans lequel le piano devient tour à tour un instrument mélodique et une percussion sauvage), jouer au piano certaines pièces de Debussy est jouissif (Jardins sous la pluie, par exemple, ou même les petites pièces de Children's corner qui introduisent certains thèmes de ragtime), etc, etc...
Quant à Berlioz, je pourrais en causer pendant des heures, mais en substance, voici ce que j'en pense : pour avoir toutes les cartes en main, il faut s'intéresser non seulement à sa musique, mais aussi au personnage dans son ensemble. Sortir de l'image du Romantique tout fou qu'on lui colle, et commencer par lire ses
Mémoires. Ce gars était un sacré bon écrivain, plein d'humour et de méchanceté, qui a quand même vécu dans une époque mouvementée et passionnante d'un point de vue artistique. Cotoyer les jeunes Hugo, De Musset, Wagner, se rebeller avec ses propres armes artistiques lors de la Révolution de 1830, envoyer se faire foutre avec fracas l'intelligensia musicale italienne qui régnait sur Paris au début du XIXè siècle, envoyer se faire foutre son père d'ailleurs, qui le condamnait à être médecin aisé en Isère... Au lieu de celà, ce gars monte à Paris sous pretexte de faire ses études de médecine, fait l'école buissonière pour suivre les cours du conservatoire, et révolté par le conservatisme qu'il y rencontre décide de tenter de se battre avec ses propres armes : un sens aigu de l'orchestration, la volonté d'éclater les frontières des genres établis, et l'exaltation d'une période propice à toutes les révolutions culturelles.
Chez lui, je n'aime pas tout, loin de là. Mais la démarche radicale du bonhomme, ses prises de position sans concessions, ses talents visionnaires sur les pouvoirs de l'orchestre m'ont toujours fascinés.
Si j'osais, je dirais que Berlioz était un vrai punk, qui a marqué ses pairs contemporains et laissé une empreinte très nette sur son art en ouvrant de nouvelles perspéctives et en décomplexant d'autres compositeurs (dont Wagner, avec qui il entretenait une relation d'amour/haine très forte).
Une chose bluffante avec lui : ce gars n'était pas instrumentiste (il gratouillait de la guitare classique, et jouait de la flûte traversière, mais pas de piano par exemple). Et quand tu regardes ses manuscrits, il n'y a quasiment aucune rature. Aucune rature pour des pièces symphoniques titanesques mettant en scène des instruments très peu utilisés jusque là (la harpe). Tout dans la tête, du début à la fin, pas de vérification d'harmonies jouées sur un instrument, et une écriture sans rature. Un truc de fou. Ecouter la fugue d'entrée de Roméo et Juliette en ayant ça en tête, c'est prendre une claque monumentale.
Ouh là là, j'ai dépassé mon temps de parole, désolé... mais bon, le sujet était lancé, je n'ai pas pu m'arrêter.