Kantic_Thunders a écrit :
Donc on devrait massacrer tous nos acquis sociaux parce que l'économie ne va pas ? Mais il y a d'autres moyens. L'intervention de l'Etat. Car oui tu décris ces glorieuses années (les 30). Mais l'Etat intervenait énormément, faisait des commandes pour réhausser l'économie. C'est un moyen.
Mais bon, avec le libéralisme économique que veulent nous imposer les politiques, ça risque d'être compliqué...
Oui, c'est super l'intervention de l'Etat, par le biais de commandes aux entreprises nationales notamment (les Etats-Unis par exemple sont très friands de la méthode, qui leur a permis de soutenir la production agricole et diverses entreprises de haute technologie dont, c'est notoire, l'industrie de l'armement, mais pas seulement), mais le problème que tu oublies, délibérément ou non, c'est celui du financement: les marges budgétaires sont extrêment réduites, notamment du fait de la dette déjà existante (la charge de la dette est le premier poste de dépenses de l'Etat).
Alors on fait comment ?
Traditionnellement, il y a 3 méthodes: faire tourner la planche à billets, augmenter les recettes fiscales ou réorganiser les dépenses.
Première méthode, c'est simple, elle est impossible en France à l'heure actuelle, depuis le passage à l'euro. Et quelque part ce n'est pas un mal, dans la mesure où, à moins d'être la monnaie de référence (ce qui n'est pas le cas) et d'être largement auto-suffisant (ce ne l'est pas non plus), elle conduit mécaniquement à un phénomène d'inflation et de fuite des capitaux vers d'autres valeurs monétaires, surtout dans la situation actuelle (et qui n'est pas franchement appellée à changer) de marchés financiers interconnectés. Autrefois, faire tourner la planche à billets, c'était amener les marchés à se retourner sur l'or, valeur refuge par excellence). Or, qui dit inflation dit fuite des capitaux (par exemple pour financer la facture énergétique), donc problèmes de financement de l'activité. Bref, cercle vicieux dans lequel la France n'a de toute façon plus les moyens de rentrer, et encore une fois, ce n'est pas un mal.
Deuxième méthode possible: l'augmentation des recettes fiscales. Là de deux choses l'une, soit on se contente d'augmenter l'imposition, soit on compte sur la croissance pour augmenter les échanges économiques, et par conséquent les revenus fiscaux qui en découlent (impôts sur les bénéfices, TVA, impôts sur le revenu des personnes physiques, etc).
Or, vu les taux d'impositions actuels, les augmenter encore plus serait suicidaire. Si on augmente l'impôt sur les sociétés directement, ou les charges patronales, on torpille la création d'entreprises, la création d'emplois (voire on en détruit massivement), en faisant augmenter le coût de la main d'oeuvre, ce qui conduira fatalement à des délocalisations massives vers des pays à plus faible coût de la main d'oeuvre. On augmente les charges salariales ? Diminution du pouvoir d'achat, donc baisse mécanique des revenus du commerce (TVA notamment), de façon encore une fois mécanique.
On augmente l'imposition sur les revenus des capitaux ? Directement, celà va induire une fuite des capitaux, donc de ce qui finance l'activité économique, vers des pays à la fiscalité plus avantageuse. Or, c'est un fait établi, un des problèmes en France est que l'activité est largement financée par des capitaux étrangers (dont les fameux fonds de pension nord-américains), avec tout ce que celà implique. Si on les fait fuir, on va droit à la crise du système financier (et pour mémoire, c'est par une crise bancaire qu'a commencé la crise de 29).
On augmente les impôts indirects (TIPP, TVA) ? Baisse mécanique du pouvoir d'achat des français, donc baisse de la consommation et surtout de l'épargne, donc problème de financement du marché interbancaire, donc crise financière, avec les mêmes conséquences que la proposition précédente.
Bref, à moins de réorganiser massivement notre fiscalité, difficile de dégager des marges budgétaires par la fiscalité sans faire pire que mieux. Une des rares possibilités consisterai, comme va vraisemblablement le faire en Italie Romano Prodi, à réorganiser la fiscalité pour supprimer les niches fiscales, et rendre l'imposition plus efficace et simple, sans pour autant nécessairement l'augmenter réellement. Mais encore une fois, ça nécessite une relecture complètement de notre système fiscal, gros chantier s'il en est, et qui ne se fera pas du jour au lendemain, vu qu'il faudrait pour ainsi dire tout remettre à plat (et j'ai fait pas mal de fiscalité, donc je pourrai en parler encore plus largement).
Troisième et dernière option, réorganiser les dépenses publiques. Là le problème, c'est que ça nécessite entre autres de trancher dans la fonction publique, pour rationaliser l'usage de l'argent public, et ça, je te laisse imaginer ce que ça va provoquer dans le pays. D'autres pays l'ont fait (Canada, Allemagne, Suède, Danemark par exemple), mais en ayant tous au préalable une capacité de négociation sociale en amont, du fait d'une tradition à la fois syndicale et patronale du compromis et de la négociation, ce qui n'est pas notre cas, à quelques exceptions près (CFDT, CGPME, pour ne citer qu'eux).
Encore une fois, ce qu'il y a de merveilleux (enfin je trouve) dans les circuits économiques, surtout dans le cadre d'une économie rendue globale par l'évolution des moyens de transport et de communications, c'est qu'ils fonctionnent comme un mécanisme d'horlogerie: on touche un seul rouage, et tous se mettent à tourner...
Résultat, pas de solution simple, ce qui me fait penser que se contenter de proposer "simplement" l'intervention de l'Etat sans plus de nuances et sans prendre en compte tout ce qu'elle implique en amont et en aval relève de la tarte à la crème, et soit d'une profonde méconnaissance des schémas économiques, soit d'un irréalisme total.
PS pour ThierryH: la mondialisation en tant que telle n'est pas un choix, mais un état de fait. L'évolution des moyens de transports et de communications dans ces 30 dernières années a rendu toutes les économies totalement interconnectées, raison pour laquelle il vaut mieux parler de globalisation (terme tout aussi juste et moins connoté idéologiquement). Un des termes employés pour décrire cette réalité est celui de "village planétaire". Et la seule façon d'échapper à la globalisation, c'est l'autarcie pure et simple. Es-tu prêt à faire ce choix ?
Edit: désolé, encore un post fleuve, mais je ne vois sincèrement pas comment répondre de façon plus succinte sans tomber dans l'hyper-simplification (sachant que là, j'ai déjà pris de méchants raccourcis)...