Thorn Kaos a écrit :
Mais TomTom, il n'a que 13 ans, ...
Et alors?
Un enfant a beaucoup plus de facilité à apprendre une nouvelle langue qu'un adulte. Est-ce que ça veut dire que les enfants sont des génies, et les adultes des cancres? Si on reporte ça sur une seule et même personne, il serait un génie en tant qu'enfant parce qu'il a de la facilité à apprendre, alors qu'une fois adulte, il perd ce génie?
À 13 ans, j'imagine que ce n'est pas lui qui doit payer les comptes et l'épicerie, qu'il ne se pose pas beaucoup de questions existentielles, et que tout son temps et sa concentration peuvent être investis sur la guitare, à apprendre des morceaux par coeur. Pour jouer de la guitare ou d'un instrument pas trop difficile, pas besoin d'avoir 18 ans, ni d'avoir un gros gabarit et la force d'un boeuf: ça prend une guitare, deux mains fonctionnelles, et du temps.
Je n'ai jamais passé 8 heures par jour à jouer, au pire 4 heures quelques fois dans un mois, pas plus, parce que ce n'était pas au centre de mon existence, et parce que je n'avais aucune envie que ça le devienne. Aujourd'hui, j'ai encore moins de temps qu'à cette époque, et j'ai en plus des préoccupations qui m'empêchent de toujours bien me concentrer, et aussi de passer autant de temps que je voudrais à pratiquer. Comment comparer ce qu'on fait en tant qu'adultes et ce que des jeunes ados font? Les enfants-soldats sont les meilleurs "exécutants" du monde, parce qu'ils ne se questionnent pratiquement pas sur les actes qu'ils posent, alors que des adultes sont sujets à des retours de conscience , à l'hésitation et à la retenue. Ces enfants ne sont pas "
plus criminels" que des adultes pour autant, la différence vient du simple fait qu'ils sont: des enfants.
13 ans, avec des années de pratique déjà, et toute la liberté pour jouer, comme et quand il veut, sans se soucier de quoi que ce soit d'autre. Dans de telles conditions, avec un support familial adéquat et le goût de performer, quel "enfant" n'y arriverait pas? Est-ce vraiment du "génie", ou est-ce simplement une chose normale dans ces circonstances?
Le jeu "Guitar Hero" est assez symptomatique de cette génération pour qui la musique est un "jeu", et les enfants adorent jouer. Ils performent mieux que la grande majorité des adultes dans le jeu, ils s'y investissent à 110%, et c'est un peu cette "
fièvre du jeu" qui guide un jeune à apprendre par coeur des caprices de Paganini, et des solos de Paul Gilbert. Ce n'est pas la volonté bien personnelle de composer, ce n'est pas la musique qui le hante jusque dans ses rêves et qui façonne son approche de l'instrument: c'est le regard des autres.
Le plus frappant avec ce Anton, c'est qu'après des années de pratique et même en ayant assimilé des solos complexes, on puisse entendre des "couacs" sur les fins de phrases, sur des passages où l'expressivité est à l'honneur, sur de simples "stops" où la musique tombe à plat, sans énergie. Les arpèges, les gammes et sauts de cordes défilent à vitesse Grand V, et sur des trucs tout simples il se plante, sans rapport avec la difficulté. J'entends souvent ce genre de "couacs" chez les jeunes shreddeurs pour qui la vitesse est le
centre du jeu: les plans sont appris par coeur, sur le bout des doigts, mais ce sont des "blocs de notes à exécuter", pas des phrases; et quand le jeu ralentit, c'est mortel d'ennui et de froideur. Il y a une disproportion évidente entre la difficulté "technique" du jeu rapide, et la sensibilité sur le jeu lent. Pour quelle raison un "génie" pousserait-il la pratique de la vitesse à ce niveau, sans se soucier d'un élément aussi fondamental du jeu?
On peut apprendre des séquences de notes par coeur, c'est à la portée de quiconque s'en donne la peine. Mais apprendre à faire vivre ces passages rapides, en les reliant avec sensibilité et imagination, ça demande d'être minimalement créatif. Le génie n'est pas qu'une question de mémoire! Là où la musique transcende l'interprète, c'est quand celui-ci réussit à disparaître dans l'exécution, tellement il captive l'auditoire par ce qu'il produit. Comment crier "génial" quand, entre deux arpèges alambiqués, on entend un affreux "couac" sur un simple tapping d'une note, ou sur la fin d'un simple bend? Je sais bien que ce sont des trucs qui viennent avec l'expérience, mais ne serait-ce pas là justement la preuve que la performance de ce Anton ne tient pas du génie, mais simplement de l'apprentissage assidû de partitions "néo-classiques" avec des lacunes communes à tant de shreddeurs axés sur la vitesse?
Comme l'a écrit Shino, je pense qu'on retire beaucoup plus de l'écoute d'un solo de Van Halen ou de Malmsteen que d'un solo repiqué de Anton, ça ne se compare tout simplement pas. La vidéo a ceci de tordu: la vue n'est pas le meilleur sens pour juger de la musique.